Homosexualité et la bible

Article écrit en 2020.

Homosexualité et la bible

Bible et homosexualité qu'en est-il ?

Dans la période où les Eglises protestantes en Suisse acceptent la cérémonie du mariage homo, qui est une première avancée sur la légalité et la confirmation du mariage pour tous religieusement.

« Ceci est mon commandement : Aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés 1». (Jean 15.12)

Bien que le Christ ait offert une vision aussi généreuse de l'amour, beaucoup de ceux qui se réclament de lui ont imposé leurs limites, afin que l'amour ne puisse s'exprimer que dans certaines situations bien codifiées. Au nombre de ces interdits ont figuré l'amour entre personnes de couleurs de peau différentes, l'amour entre classes sociales différentes, et même l'amour entre confessions chrétiennes différentes. Au nombre de ces interdits, il en demeure un qui suscite trop souvent le malaise voire l'agressivité dans les Eglises, à savoir l'amour entre personnes de même sexe. Ce travail a donc pour but de sonder les textes bibliques sur la question de l'homosexualité afin d'en discerner la façon dont la Bible aborde ce sujet, mais également la position éthique que nous pouvons en retirer, quelle que soit notre orientation sexuelle.

Tout d'abord, je voudrais évoquer quelques éléments historiques, pour que nous puissions appréhender le cheminement dans lequel nous nous trouvons. En effet, depuis plus de deux siècles, la place des amours entre personnes de même sexe a considérablement évolué en Europe. Le premier changement est la dépénalisation, initiée par la France en 1791 2 et effectuée par la Suisse en 1942 3.

Toutefois, si l'homosexualité est retirée de certains textes de lois, elle prend place dans les ouvrages médicaux. Ainsi la maladie remplace ou s'ajoute à l'illégalité 4. La démédicalisation n'a eu lieu que récemment, même si elle ne fait pas encore l'unanimité. L'une des dates emblématiques est le 17 mai 1990, lorsque l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) retire l'homosexualité de la liste des maladies mentales 5. L'évolution continue vers les droits civiques, dont le premier pas est franchi avec le partenariat enregistré, accordé pour la première fois par le Danemark en 1989 6. Enfin, en 2001, les Pays-Bas deviennent le premier pays européen à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Le dernier en date est le Royaume-Uni en mars 2014 7.

Ainsi, depuis maintenant plusieurs décennies, l'Europe vit un lent processus civil et sociétal qui tend à terme à ce que les personnes homosexuelles soient traitées et considérées comme des citoyens et citoyennes avec des droits égaux à ceux des personnes hétérosexuelles.

Suite à cette évolution de l'homosexualité dans la société européenne, qui n'est pas sans rappeler celle des Noirs, des Juifs ou encore des femmes, il n'est pas surprenant que nous, (autres chrétiens) devions maintenant nous confronter à nos textes et plus spécialement à l'interprétation que nous en faisons.
Je vous invite donc à me suivre dans cette réflexion
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Méthodologie

Analyser le thème de l'homosexualité dans la Bible est une tâche de grande ampleur. C'est pourquoi ce travail ne peut être exhaustif et limite le champ d'étude de la façon suivante.
Il se concentre sur les passages ci-dessous, abordés selon l'ordre des livres bibliques :

  • Genèse 2 : la création d'Adam et Eve

  • Genèse 19 et Juges 19 : deux histoires sur le refus d'hospitalité

  • Lévitiques 18.22 et 20.13 : une abomination et une condamnation à mort

  • Deutéronome 23.17 ; 1 Rois 14.24/15.12/22.47 ; 2 Rois 23.7 et Job 36.14 : les prostitués

  • Romains 1.26-27 : une condamnation spirituelle de la part de Paul

  • 1 Corinthiens 6.9 et 1 Timothée 1.10 : deux termes difficiles à traduire.

Genèse 2 raconte les débuts du couple mythique d'Adam et Eve. Ce passage ne fait pas référence à l'homosexualité, toutefois son apport est pertinent dans ce travail. Les treize références suivantes sont toutes celles qu'on trouve et qui font indubitablement référence à l'homosexualité 8.

En même temps, j'interpréterai ces textes au moyen du tableau matriciel suivant :

Ce tableau présente deux lignes concernant l'orientation sexuelle :
− la première pour l'hétérosexualité, qui englobe l'ensemble des hétérosexuels ainsi que toutes leurs façons de vivre, que ce soit pour les célibataires ou les couples.
− la deuxième pour l'homosexualité qui, de la même façon, englobe l'ensemble des homosexuels et leurs façons de vivre, (homme homme ou femme femme).

Le tableau répartit ensuite les comportements possibles dans ces orientations en deux colonnes :
− la première pour tous les comportements jugés comme sain, (ou saint en jeu de mot). Le jeu de mot sur le double sens de sain(t) est voulu, car il représente le fait que dans nos Eglises, la sainteté d'une personne ou d'un acte est jugée en partie, c'est-à-dire selon son degré de bonne santé éthique.
− la deuxième pour tous les comportements jugés comme malsain, (ou mal-saint).

La ligne pointillée nuance la limite entre hétérosexualité et homosexualité en faisant allusion à la notion plus complexe de la bisexualité psychique, notion psychanalytique qui dépasse le cadre de ce travail.
Les quatre cases ainsi définies serviront à classer les interprétations des quatorze passages bibliques mentionnés ci-dessus selon leur teneur. De là, nous aurons chacun la possibilité de savoir ce que la Bible dit au sujet de l'homosexualité, et ainsi de pouvoir réfléchir à la position éthique que nous adopterons en notre âme et conscience. Ce tableau est bien sûr une simplification de la réalité, mais celle-ci est voulue et sert un but que vous comprendrez lorsque j'aurai présenté la ligne de l'hétérosexualité.

Illustration

Commençons par la case des comportements sain(t)s hétérosexuels. Dans le cadre du couple, l'exemple le plus idéal est celui d'un homme et d'une femme qui s'aiment, se respectent, se soutiennent, s'édifient mutuellement, se marient et entretiennent leur mariage, et ont des relations sexuelles à finalité procréatrice et/ou récréative. Ils ont des enfants (issus de leur propre chair et/ou adoptés) et les éduquent de façon à en faire des adultes autonomes.
Cette famille mène sa vie dans le respect et l'amour d'autrui, respecte les lois, vient en aide à ceux dans le besoin, etc. En résumé, ils font tout ce que nous considérons comme bon.
Il va de soi qu'un tel comportement est approuvé, peu importe qu'il soit pratiqué dans le cadre du couple ou du célibat, et validé par bon nombre de versets, tels qu'Ephésiens chapitre 5, verset 33 :
Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari.

En ce qui concerne les comportements malsain(t)s, il s'agit de toutes les formes de détournement d'une relation : abus de pouvoir, domination, viol, violence, manipulation, chantage, sexualité à outrance, etc. La liste est longue. De tels comportements sont bien entendu désapprouvés et la Bible contient une pléthore de versets en ce sens, telle que cette affirmation de Jésus (Matthieu 5.27) :  Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur. 

Certains versets contiennent ces deux aspects en même temps, tels que Cantique des Cantiques 8.7, qui commence par chanter l'amour puis condamne ceux qui essaient de l'acheter : Les grandes eaux ne peuvent éteindre l'amour, et les fleuves ne le submergeraient pas ; quand un homme offrirait tous les biens de sa maison contre l'amour, il ne s'attirerait que le mépris.

Maintenant apparaît le but du tableau. Dans le cadre de l'hétérosexualité, il met en évidence deux pôles comportementaux drastiquement opposés. L'un est approuvé et l'autre non, mais dans l'ensemble, l'hétérosexualité en elle-même n'est pas désapprouvée.

Problématique

Appliquons le même raisonnement à l'homosexualité. Le point qui met tous les chrétiens d'accord, qu'ils soient homophobes ou homophiles, est que les comportements malsain(t)s homosexuels sont désapprouvés, ce qui donne à la colonne malsain(t)s en rouge et la colonne sain(t)s en vert, sauf pour la ligne homo où elle est blanche.
Cette case blanche au point interrogation du tableau reste un point litigieux. Que faire avec une personne dont le comportement correspond à nos critères idéaux d'amour et de respect, mais dont le seul critère distinctif est d'être homosexuelle ? Ou encore que faire avec un couple qui fait preuve d'un même comportement idéal, mais s'avère être un couple de même sexe ?

Faut-il considérer que la Bible prône avant tout les comportements sain(t)s, peu importe qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, et donc que l'homosexualité doit être appréhendée comme l'hétérosexualité ? Ou, au contraire, la Bible condamne-t-elle l'homosexualité en soi, quelle que soit la façon dont elle est vécue ?
C'est sur la réponse à cette case blanche que se concentre ce travail, c'est-à-dire qu'il s'intéresse à la réponse biblique sur l'homosexualité en soi. Toutes les considérations sur la place des homosexuels dans les rites religieux et dans la société civile relèvent d'un autre débat qui sort du champ d'étude de cette recherche.

Genèse 2 : la création d'Adam et Eve

L'histoire d'Adam et Eve ne parle pas directement de l'homosexualité. Cependant, ce premier couple hétérosexuel est souvent utilisé comme argument en défaveur du couple homosexuel car il est vu comme le modèle initial, idéal et unique du couple, créé et voulu par Dieu avant la Chute. Certains en concluent que la femme est la seule altérité digne de ce nom pour l'homme et réciproquement, ce qui exclut d'office toute relation homosexuelle. Examinons donc les deux premiers chapitres de la Genèse.
Dans le chapitre 1, Dieu crée l'ensemble du monde en cinq jours ; au sixième jour, Il crée l'homme et la femme
« à son image » (Genèse 1.27) et au septième, Il se repose. Le chapitre 2 commence ensuite avec un deuxième récit de la Création qui contient quelques différences par rapport au premier. Dieu crée d'abord Adam et le place au milieu du jardin d'Eden. Le voyant seul, Dieu déclare : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui. » (Genèse 2.18). Il crée alors les animaux. Comme ceux-ci ne sont pas une aide adéquate pour Adam, Dieu crée Eve qui, elle, s'avère être une aide appropriée.
Le point crucial de cet extrait est la déclaration de Dieu :
« Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui. » Remarquez qu'Il a dit « je lui ferai une aide » et non pas « je lui ferai une femme » ni même « je lui ferai une épouse ». Si le passage affirme donc que l'homme n'est pas complet sans une aide spéciale, il insiste sur le rôle que cette personne doit avoir plutôt que sur ses autres caractéristiques. À l'interprétation de définir maintenant qui peut être considéré comme une « aide ».
Examinons ce terme « aide ». Le mot employé dans le texte originel est ezer, un terme hébreu masculin. Aussi, pour respecter le genre du texte originel, il serait plus fidèle de lire le verset 18 par « Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai un aide semblable à lui ». Dès lors, nous sommes libérés de la suggestion de la traduction française qui laisse entendre que « aide » est forcément féminine.
Ensuite, si l'on considère les occurrences du terme ezer, on remarque vite qu'il n'est pas spécifiquement attribué à Eve, ni même à l'être humain en général. En effet, dans l'Ancien Testament, ezer est utilisé vingt-et-une fois
9 : deux fois pour annoncer Eve, trois fois pour critiquer des groupes de personnes incapables de venir en aide, et seize fois pour Dieu qui vient en aide à son peuple ou à des individus. Deux dimensions d'un ezer peuvent être déduites.

Premièrement, quel est le rôle d'un ezer ? C'est un rôle qui ne correspond pas du tout à celui de simple domestique et possède une composante spirituelle forte. Dans le cadre du couple hétérosexuel, l'épouse est appelée à être non pas la servante docile de son mari, mais à avoir à l'égard de son époux la même attitude de soutien que Dieu a à l'égard de Son peuple. Voilà une pensée qui rompt avec la vision traditionnelle de la femme soumise !
Deuxièmement, qui peut être un ezer ? La femme peut l'être pour son mari, ce qui est un encouragement au modèle du couple hétérosexuel. En revanche, les textes ne rapportent pas de situation où une femme est l'ezer d'une personne qui n'est pas son mari. Dieu est un ezer permanent pour Son peuple et ceux qui Le respectent dans les autres nations. Un homme peut-il être un ezer ? Trois occurrences répondent par l'affirmative, mais ne présentent que des cas de manquement aux qualités d'un ezer par rapport à Dieu. Elles ne mentionnent donc pas ce rôle de façon positive pour un homme, que ce soit à l'égard de sa femme ou à l'égard de toute autre personne. Est-ce pour autant que la Bible, en omettant ces cas de figure, interdit à un homme d'être un ezer pour sa femme ou pour tout autre personne, telle qu'un homme ? Interdit-elle également à une femme d'être l'ezer de quelqu'un qui n'est pas son mari, tel qu'une femme ?
A chacun d'interpréter et de se déterminer, en son âme et conscience.

Si ezer ne donne aucune réponse catégorique en faveur ou en défaveur du couple homosexuel, il y a un verset plus direct dans ce chapitre (Genèse 2.24) :

De toute évidence, ce verset soutient la relation hétérosexuelle. Condamne-t-il pour autant la relation homosexuelle ? Si l'on part du principe qu'il ne soutient qu'un type de relation et exclut d'office les autres, alors il faut considérer que l'homosexualité et le célibat doivent être tous deux désapprouvés. Une telle position est évidemment intenable, ne serait-ce que parce qu'il y a des personnages bibliques célibataires qui ne sont ni repris ni discriminés à ce sujet. Quant à faire une exception pour le célibat et non pour l'homosexualité, quels seraient les critères d'exclusion ? Aucun, en tout cas, qui ne se trouve dans Genèse 2.

L'éclairage qu'apporte Genèse 2.24 est la dimension physique dans la relation du couple, à la différence du mot ezer qui reflète la dimension spirituelle. Il est vrai qu'ici, l'aspect physique n'est attribué qu'au couple hétérosexuel. Certains peuvent en conclure qu'une personne homosexuelle doit alors se contenter de relations platoniques. Cependant, si le modèle de relation mis en avant par Genèse 2.24 n'exclut pas toutes les autres formes de relation telle que le célibat, il nous est impossible de conclure qu'il exclut également la dimension physique dans toutes ces autres formes de relation. Malheureusement, le passage ne mentionne pas ces autres cas de figure et de nouveau, il revient à chacun d'interpréter et de se déterminer. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair.

Finalement, que dire de la position de Genèse 2 vis-à-vis de l'homosexualité ?
La seule réponse qui puisse être donnée est que ce passage n'a pas pour but de répondre à cette question et toute interprétation pour ou contre l'homosexualité relève de l'extrapolation, au même titre qu'au sujet du célibat. En effet, le contexte dans lequel il a été écrit n'envisageait simplement pas la possibilité que deux personnes de même sexe puissent vivre une relation amoureuse exclusive et former un couple stable au long-terme. Je reviendrai sur cet aspect dans les prochains passages abordés.

Tout ce que nous pouvons dire, c'est que Genèse 2 prône indubitablement la relation du couple hétérosexuel, en lui donnant une dimension spirituelle de grande envergure. Le chapitre a donc sa place dans la case verte.
Concernant l'homosexualité, rien n'est dit directement. Or, rien ne permet d'alléguer que ce silence exclut d'office tous les comportements homosexuels, ni que les affirmations en faveur du couple hétérosexuel sont nécessairement et toujours en défaveur du couple homosexuel. La case blanche reste donc vide, de même que les cases rouges des comportements malsain(t)s.

Complément d'interprétation

Une dimension de Genèse 2 doit encore être évoquée, l'altérité homme-femme. En effet, certains détracteurs de l'homosexualité utilisent cet aspect du passage de manière restrictive et soutiennent que l'homosexualité est une peur, une haine et/ou un refus de l'autre sexe. Or il n'en est rien ! Tout d'abord parce que les personnes homosexuelles ne sont de loin pas les seules à pouvoir éprouver de la peur ou de la haine envers les personnes de l'autre sexe. Preuve en est le machisme hétérosexuel, capable des pires violences et discriminations aux dépens des femmes.
Ensuite parce que pour une personne homosexuelle, une personne de l'autre sexe pourra remplir des rôles aussi variés que partenaire amical(e), professionnel(le), familial(e), spirituel(le), politique, économique, etc. En effet, il y a deux rôles que les personnes de l'autre sexe ne pourront jamais endosser ou alors de façon incomplète, à savoir les rôles de partenaire sexuel(le) et amoureux/amoureuse.
Et il en est de même pour un homme hétérosexuel à l'égard des autres hommes ou pour une femme hétérosexuelle à l'égard des autres femmes.
Rappelons ici que bien des femmes apprécient la compagnie d'hommes homosexuels, car elles savent qu'elles ne risquent rien sur le plan sexuel.

Genèse 19 et Juges 19 : deux histoires sur le refus d'hospitalité

Genèse 19 et Juges 19 racontent chacun une histoire différente, mais dont les thèmes et la structure sont identiques. Je commencerai ici par traiter le chapitre 19 de la Genèse.
Ce chapitre décrit la destruction de Sodome et Gomorrhe. Afin de bien comprendre cette histoire, il faut commencer par le chapitre 18, dans lequel Dieu et deux anges rendent visite à Abraham
10. Le patriarche leur offre l'hospitalité et leur propose de se laver les pieds et de manger, ainsi que le veut l'usage. À la fin du repas, Abraham accompagne le trio sur la route pour Sodome, là où réside son neveu Lot. Sur le chemin, Dieu révèle à Abraham son intention de détruire la ville car, dit-Il, « le cri contre Sodome et Gomorrhe s'est accru et leur péché est énorme » (Genèse 18.20). Cependant, Abraham marchande avec Dieu et obtient qu'Il épargne la ville s'il s'y trouve au moins dix justes. Ici commence le chapitre 19 :
[1] Les deux anges arrivèrent à Sodome sur le soir ; et Lot était assis à la porte de Sodome. Quand Lot les vit, il se leva pour aller au-devant d'eux, et se prosterna la face contre terre. [2] Puis il dit : Voici, mes seigneurs, entrez, je vous prie, dans la maison de votre serviteur, et passez-y la nuit ; lavez vous les pieds ; vous vous lèverez de bon matin, et vous poursuivrez votre route. Non, répondirent-ils, nous passerons la nuit dans la rue. [3] Mais Lot les pressa tellement qu'ils vinrent chez lui et entrèrent dans sa maison. Il leur donna un festin, et fit cuire des pains sans levain. Et ils mangèrent. [4] Ils n'étaient pas encore couchés que les gens de la ville, les gens de Sodome, entourèrent la maison, depuis les enfants jusqu'aux vieillards ; toute la population était accourue. [5] Ils appelèrent Lot, et lui dirent : Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions. [6] Lot sortit vers eux à l'entrée de la maison, et ferma la porte derrière lui. [7] Et il dit : Mes frères, je vous en prie, ne faites pas le mal ! [8] Voici, j'ai deux filles qui n'ont point connu d'homme ; je vous les amènerai dehors et vous leur ferez ce qu'il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu'ils sont venus à l'ombre de mon toit. [9] Ils dirent : Retire-toi ! Ils dirent encore : Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous te ferons pis qu'à eux. Et ils s'avancèrent pour briser la porte. [10] Les hommes étendirent la main, firent rentrer Lot vers eux dans la maison, et fermèrent la porte. [11] Et ils frappèrent d'aveuglement les gens qui étaient à l'entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, de sorte qu'ils se donnèrent une peine inutile pour trouver la porte.

Juste après cet extrait, les anges évacuent Lot et sa famille avant la destruction de la ville.

Dans la tradition chrétienne, la destruction de Sodome et Gomorrhe a longtemps été et est toujours pour certains attribuée à l'homosexualité 11. Pourtant, les textes bibliques n'étayent jamais cette thèse. En effet, il y a dans toute la Bible quarante-sept versets qui citent le nom de Sodome, dont vingt-trois qui le font avec Gomorrhe 12. Or, aucune de ces allusions ne permet d'incriminer les pratiques homosexuelles comme étant responsables de l'annihilation de ces villes. Les divers crimes invoqués dans les livres bibliques sont la méchanceté et le grand péché contre l'Eternel (Genèse 13.13), l'adultère et le mensonge (Jérémie 23.14) ou encore la débauche (Jude 1.7), mais jamais l'homosexualité en elle-même. Le prophète Ézéchiel affirme même : « Voici quel a été le crime de Sodome, ta soeur. Elle avait de l'orgueil, elle vivait dans l'abondance et dans une insouciante sécurité, elle et ses filles, et elle ne soutenait pas la main du malheureux et de l'indigent » (Ézéchiel 16.49) 13. Il est possible, parmi les péchés invoqués tels que la débauche, de voir une allusion aux comportements malsain(t)s homosexuels. Toutefois, comme le terme « débauche » ne discrimine pas les actes homosexuels des actes hétérosexuels, rien ne permet d'utiliser l'ensemble de l'homosexualité comme la cause de la destruction de Sodome et Gomorrhe. Par ailleurs, Genèse 19 est le seul passage de toute la Bible où un acte homosexuel est indubitablement associé à ces deux villes.

Si l'on reconsidère le passage ci-dessus, les références aux comportements homosexuels sont les suivantes :
Genèse 19.5 :
Ils appelèrent Lot, et lui dirent : Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions.
Genèse 19.9 : Ils dirent : Retire-toi ! Ils dirent encore : Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous te ferons pis qu'à eux. Et ils s'avancèrent pour briser la porte.

Il faut remarquer que les actes sous-entendus par ces deux versets sont une tentative de viol collectif par lequel un groupe, en l'occurrence les habitants masculins de Sodome, veut faire subir une violente humiliation à des étrangers, les deux anges, et Lot, leur hôte 14. Le viol était alors et est toujours ! Une façon d'humilier quelqu'un et de marquer sa suprématie sur lui, ce qui fait qu'il est pratiqué notamment sur les prisonniers de guerre 15. Ainsi, Genèse 19 raconte la punition divine contre les Sodomites, qui sont condamnés pour un ensemble de crimes au nombre desquels se trouve cette tentative de viol faite par des hommes sur d'autres hommes 16. De toute évidence, un viol, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, ne correspond en aucune manière à notre idéal de relation d'amour respectueuse et consentie. Ce passage concerne et condamne donc la case des comportements malsain(t)s :  

Est-ce que la tentative de viol collectif présentée en Genèse 19 peut être considérée comme une condamnation de l'homosexualité en soi ? Evidemment non ! Comme nul n'utilise les comportements malsain(t)s hétérosexuels pour condamner toute l'hétérosexualité, il n'y a pas de raisons pour traiter l'homosexualité différemment.
D'aucuns pourraient encore avancer que si les habitants de Sodome voulaient violer deux hommes, c'est parce qu'ils étaient eux-mêmes homosexuels
17. Si tel était réellement le cas, Lot n'aurait jamais proposé ses filles à la place de ses hôtes. De plus, un homme n'a pas besoin d'être homosexuel pour avoir des relations sexuelles avec un autre homme, particulièrement quand le but est d'humilier l'autre.
On peut donc en conclure qu'au sujet de l'homosexualité, ce passage ne fait référence qu'à une forme de relation sexuelle qu'il condamne, le viol. Cette condamnation est aussi valable pour le viol hétérosexuel, puisque les deux anges sauvent aussi les filles de Lot.

Précisons encore que Genèse 19 dénonce le manque d'hospitalité 18 . Dans l'Antiquité, l'hospitalité était en effet une notion fondamentale car elle assurait aux voyageurs des endroits sûrs, à l'abri des dangers de la route (voleurs, etc.). Tout homme qui recevait quelqu'un avait un devoir de protection envers son hôte et tout irrespect de ce devoir était considéré comme une faute grave. Dans Genèse 19, le manque d'hospitalité des habitants de Sodome est encore plus mis en évidence par l'hospitalité d'Abraham au chapitre 18.

Concernant Juges 19, l'histoire contient de nombreuses similarités avec Genèse 19. « [10] [Le Lévite] arriva jusque devant Jébus, qui est Jérusalem, avec les deux ânes bâtés et avec sa concubine. [11] Lorsqu'ils furent près de Jébus, le jour avait beaucoup baissé. Le serviteur dit alors à son maître : Allons, dirigeons-nous vers cette ville des Jébusiens, et nous y passerons la nuit. [12] Son maître lui répondit:Nous n'entrerons pas dans une ville d'étrangers, où il n'y a point d'enfants d'Israël, nous irons jusqu'à Guibea. [13] Il dit encore à son serviteur : Allons, approchonsnous de l'un de ces lieux, Guibea ou Rama, et nous y passerons la nuit. [14] Ils continuèrent à marcher, et le soleil se coucha quand ils furent près de Guibea, qui appartient à Benjamin. [15] Ils se dirigèrent de ce côté pour aller passer la nuit à Guibea. Le Lévite entra, et il s'arrêta sur la place de la ville. Il n'y eut personne qui les reçoive dans sa maison pour qu'ils y passent la nuit. [16] Et voici, un vieillard revenait aux champs; cet homme était de la montagne d'Ephraïm, il séjournait à Guibea, et les gens du lieu étaient Benjamites. [17] Il leva les yeux, et vit le voyageur sur la place de la ville. Et le vieillard lui dit: Où vas-tu et d'où viens-tu? [18] Il lui répondit: Nous allons de Bethléhem de Juda jusqu'à l'extrémité de la montagne d'Ephraïm, d'où je suis. J'étais allé à Bethléhem de Juda et je me rends à la maison de l'Eternel. Mais il n'y a personne qui me reçoive dans sa demeure. [19] Nous avons cependant de la paille et du fourrage pour nos ânes ; nous avons aussi du pain et du vin pour moi, pour ta servante, et pour le garçon qui est avec tes serviteurs. Il ne manque rien. [20] Le vieillard dit : Que la paix soit avec toi ! Je me charge de tous tes besoins, tu ne passeras pas la nuit sur la place. [21] Il les fit entrer dans sa maison, et il donna du fourrage aux ânes. Les voyageurs se lavèrent les pieds ; puis ils mangèrent et burent. [22] Pendant qu'ils étaient à se réjouir, voici, les hommes de la ville, gens pervers, entourèrent la maison, frappèrent à la porte, et dirent au vieillard, maître de la maison: Fais sortir l'homme qui est entré chez toi pour que nous le connaissions. [23] Le maître de la maison, se présentant à eux, leur dit: Non, mes frères, ne faites pas le mal, je vous prie; puisque cet homme est entré dans ma maison, ne commettez pas cette infamie. [24] Voici, j'ai une fille vierge, et cet homme a une concubine ; je vous les amènerai dehors ; vous les déshonorerez, et vous leur ferez ce qu'il vous plaira. Mais ne commettez pas sur cet homme une action aussi infâme. [25] Ces gens ne voulurent point écouter. Alors l'homme prit sa concubine, et la leur amena dehors. Ils la connurent, et ils abusèrent d'elle toute la nuit jusqu'au matin ; puis ils la renvoyèrent au lever de l'aurore. »

À la fin du livre des Juges, les Guibéens se font massacrer par les Israélites en punition de leur crime. Les parallèles entre les deux histoires sont nombreux : deux étrangers arrivant dans une ville, le refus d'hospitalité des habitants, l'accueil par un autre étranger, la survenue d'habitants hostiles, la menace du viol d'un homme par d'autres hommes (verset 22), la substitution par une femme et la punition par la destruction de la ville 19.
Si les Guibéens sont exterminés, les seuls motifs de destruction invoqués dans la fin du livre des Juges sont la tentative de meurtre sur le lévite ainsi que le viol et le meurtre de la concubine. L'intention du viol entre hommes n'est même plus évoquée.
De nouveau, le seul acte homosexuel mentionné dans l'extrait est un viol. L'attitude des Guibéens à l'égard de la concubine révèle qu'ils ne sont pas homosexuels et qu'ils ne cherchent qu'à humilier, peu importe le sexe de leurs victimes. En conséquence, ce passage peut être considéré de la même façon que Genèse 19.

Lévitiques 18.22 et 20.13 : une abomination et une condamnation à mort

De premère lecture, il semblerait que la condamnation de l'homosexualité soit évidente et le débat clos. Cependant, ces deux extraits nécessitent une attention plus approfondie de leur contenu et de leur contexte. Commençons par considérer ce qu'est le Lévitique.
Le Lévitique est le troisième livre de la Bible et appartient à l'ensemble formé par la Torah, constituée des cinq premiers livres bibliques (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome). Dans la Torah, Dieu révèle sa loi à son peuple au moyen de 613 prescriptions 20, appelées mitsvot en hébreu, parmi lesquels figurent ces deux passages.
L'ensemble de ces prescriptions règle de nombreux sujets de la société juive : entre autres, les procédures des sacrifices, l'ordonnance des fêtes, les punitions des crimes, les règles pour les femmes, la gestion des esclaves, la façon de traiter certaines maladies, les interdits alimentaires ou encore les règles sur le comportement sexuel.
À travers ces lois, Dieu appelle son peuple à adopter un comportement saint qui se distingue des pratiques des nations païennes alentours de façon à Lui plaire et à L'honorer, en échange de quoi Dieu garde son alliance et sa bénédiction sur Israël. Tout irrespect de ces lois s'accompagne d'une punition divine, qui prend souvent la forme d'une attaque étrangère dans les textes bibliques. Les rapports que les chrétiens entretiennent avec ces lois sont assez problématiques. En effet, les exigences éthiques de la Torah sont très élevées et de nombreuses incartades sont punies par la mort, ce qui rend leur application littérale impossible à l'heure actuelle. Se pose alors la question de leur validité dans la chrétienté.

À titre de réponse, certains chrétiens utilisent une déclaration de Paul : « vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce » (Romains 6.14b) et en déduisent une théologie très discutable. Leur raisonnement est le suivant : comme le Christ s'est sacrifié sur la croix pour pardonner les péchés de l'humanité (de la même façon que les animaux étaient sacrifiés pour obtenir le pardon divin), la Grâce de Dieu a été accordée à l'humanité. Ainsi, les chrétiens n'ont plus besoin de pratiquer les sacrifices rituels prescrits par la Torah.
Le problème apparaît lorsque cette théologie laisse entendre que la Loi est caduque en se servant de versets tels que 2 Corinthiens 3.4b
: « car la lettre tue, mais l'Esprit vivifie ». Il y a tout d'abord une contradiction avec la déclaration du Christ : « Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. » (Matthieu 5.18). Ensuite, cette contradiction amène à une véritable hypocrisie. Les chrétiens qui affirment que la Loi est caduque annulent ainsi l'applicabilité des 613 mitsvot. En réalité, ils annulent l'applicabilité des nombreuses mitsvot qui pourraient être utilisées à leur encontre, mais reprennent tout de même Lévitique 18.22 et 20.13 comme arguments contre l'homosexualité. Une théologie aussi contradictoire et partiale est indéfendable et relève d'une mauvaise foi caractérisée.

Fort heureusement, la question des rapports que les chrétiens doivent entretenir avec la Loi s'est déjà posée il y a vingt siècles et a déjà trouvé une réponse. Mais elle nécessite de se replonger dans le contexte historique. N'oublions pas que le Lévitique est un livre juif écrit pour des Juifs et qu'il fait partie du Tanak, la Bible juive. Or, si l'on examine les protagonistes des Evangiles tels que Marie, Joseph, Jésus, Jean-Baptiste, les apôtres, et tant d'autres, force est de constater que la quasi-totalité de ces personnes est de confession juive.
Si nous nous mettons à la place de tous ces Juifs contemporains du Christ, il est certain qu'aucun n'a rejeté le Tanak ni ne l'a considéré comme nul et non avenu. Premièrement parce qu'il s'agissait de leurs seuls textes sacrés, et deuxièmement parce qu'ils ne pouvaient pas rejeter leurs écrits alors que Jésus, ou plutôt Yéchoua de son nom juif, venait de leur donner une nouvelle façon de les lire. Ces Juifs sont devenus des disciples juifs du Christ, dont l'équivalent moderne sont les Juifs messianiques, c'est-à-dire des Juifs qui reconnaissent Yéchoua comme le Messie tout en continuant à suivre et respecter la tradition juive. Alors qu'en est-il des chrétiens non-juifs ? Leur position dans les Evangiles reste minoritaire, mais dès le livre des Actes, leur nombre ne cesse de croître, ce qui place les chrétiens juifs devant une épineuse question : faut-il que les chrétiens d'origine païenne soient soumis à la Torah et suivent les pratiques juives, telles que la circoncision ? L'Eglise primitive débat de la question lors du concile de Jérusalem, que l'on retrouve retranscrit dans Actes 15. Les uns argumentent que la Loi et la tradition viennent de Dieu, et qu'elles ne peuvent pas être simplement abandonnées. D'autres plus pragmatiques affirment à juste titre que les chrétiens non-juifs n'arriveront jamais à intégrer toute la complexité des rites juifs et qu'il ne faut pas les charger de difficultés excessives. Ce deuxième parti, guidé par Paul, l'emporte et les chrétiens non-juifs sont exemptés de la Loi juive, à l'exception de quatre règles, à savoir
« s'abstenir des souillures des idoles, de la débauche, des animaux étouffés et du sang » (Actes 15.20).

Lévitique 18.22 : Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination.
Lévitique 20.13 : Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux.

Concernant les deux extraits du Lévitique, il serait facile de les considérer maintenant comme non applicables pour nous chrétiens non-juifs. Le seul terme qui peut être rapproché de certains comportements homosexuels est « débauche » d'Actes 15.20, dit porneia dans le texte originel. Dans notre tableau, il est évident que porneia représente les comportements malsain(t)s, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Quant à la case blanche du tableau, aucune des citations de porneia dans le Nouveau Testament ne permet d'affirmer que ce mot inclut d'office l'homosexualité en soi ou des comportements sain(t)s homosexuels 21. Et il en est de même avec la définition donnée par le Dictionnaire grec français Le Grand Bailly.

Cependant, aussi tentant qu'il soit d'éliminer les écrits de la Loi au nom d'Actes 15, ce serait se priver d'une partie des textes bibliques et de leurs richesses. Rien ne nous interdit de les lire pour comprendre le sens qu'ils revêtaient dans le contexte où ils sont nés et examiner si ce sens peut encore avoir la même portée éthique dans notre contexte moderne.

Dans cet esprit, examinons Lévitique 18.22 et 20.13.
Indubitablement, ces deux versets condamnent les relations sexuelles entre hommes, ce qui est déjà une attestation de leur existence dans l'Antiquité
22. Lévitique 18.22 condamne le partenaire actif d'une relation sans définir la peine, tandis que Lévitique 20.13 condamne à mort les deux partenaires 23. Remarquons au passage que le Lévitique ne fait pas allusion aux rapports sexuels entre femmes 24. Pour bien comprendre ces extraits, il est nécessaire de se replonger dans leur contexte historique 25. Lévitique 18.22 et 20.13 font partie du Code de Sainteté, qui recouvre les chapitres 17 à 26 du Lévitique. On estime que ce Code a été rédigé entre les 4ème et 5ème siècles avant Jésus-Christ, ce qui correspond à la période dite postexilique.
En effet, en 587 av. J.-C., Jérusalem est prise par les Babyloniens. La ville et le Temple sont détruits, une partie de la population est exilée en esclavage et le pays passe sous contrôle étranger. Toutes ces conditions placent les Juifs dans une situation de crise, entre autres de crise identitaire. Comme le Temple n'existe plus, l'élément fédérateur d'Israël a disparu et il faut alors trouver un nouveau dénominateur commun pour réunir les Juifs dispersés. C'est ainsi qu'est rédigé le Code de
sainteté, dont le but est de donner un comportement saint aux Juifs, à l'image de la sainteté divine, afin de se distinguer des coutumes des nations païennes alentours et de retrouver une identité collective. Le début du chapitre 18 en est un exemple quand Dieu déclare (Lévitique 18. 2b-5) : Dès lors, il est impossible de comprendre correctement Lévitique 18.22 et 20.13 sans examiner la condition de l'homosexualité et des rapports sexuels entre personnes de même sexe dans les pays autour des Hébreux.

Les deux grandes puissances de l'époque sont la Mésopotamie et l'Egypte, deux sociétés vieilles de presque deux mille ans au temps de la rédaction du Code de Sainteté et dont l'influence a couvert tout le Croissant Fertile, y compris Israël et le pays de Canaan cité ci-dessus. Commençons par la Mésopotamie. Son histoire est traversée par plusieurs peuples, chacun avec leur culture, mais malheureusement leurs écrits ne nous sont parvenus que sous des formes relativement rares et lacunaires.

À la lumière des textes retrouvés et traduits, la sexualité mésopotamienne s'inscrit dans une certaine vision du monde. Pour les Mésopotamiens, le monde est organisé selon un ordre et une hiérarchie qui garantissent sa bonne marche. Tant que cette hiérarchie est respectée, le monde fonctionne au mieux et le chaos est évité, mais tout changement de cet ordre peut rompre cette harmonie et avoir des conséquences dramatiques. Pour les hommes, cela signifie qu'ils doivent organiser la société de façon à respecter cet ordre et garantir cette harmonie. La société a donc une hiérarchie nette dans laquelle chacun doit tenir sa place. Une inversion des rôles sociaux pourrait mettre en danger l'équilibre qui assure la bonne marche du monde. Ainsi, les dieux sont supérieurs aux êtres humains, les rois sont supérieurs à leurs sujets et les hommes sont supérieurs aux femmes. Cette vision du monde a imprégné le Moyen Orient et le bassin méditerranéen au moins jusqu'au Ier siècle de notre ère.

La sexualité est libre pour les hommes, à condition qu'elle corresponde à ces critères d'ordre. L'homme se doit d'être supérieur et dominant dans la relation sexuelle, c'est-à-dire qu'il doit être celui qui pénètre, tandis que la femme doit être inférieure et dominée, donc être pénétrée. Il y a cependant des exceptions. Tout d'abord dans le cadre de la prostitution sacrée. L'une des déesses principales est la déesse Isthar, ou Astarté, déesse de la guerre, du plaisir sexuel et de la fécondité. Elle est une déesse ambiguë car elle peut être représentée aussi bien en homme qu'en femme. Une des façons de lui rendre un culte se faisait par l'union sexuelle avec des prostituées sacrées et des prostitués sacrés. Ces derniers, souvent travestis, avaient un rôle reconnu dans la société et il était tout à fait normal pour un homme de pénétrer un prostitué sacré afin d'honorer Ishtar. Une autre exception sont les esclaves qui sont considérés comme des objets et non comme des êtres humains. Un maître peut se servir d'eux comme il l'entend et donc coucher avec selon son bon plaisir tant qu'il occupe le rôle dominant.

Concernant les textes de lois mésopotamiens, ceux parvenus jusqu'à nous interdisent le viol d'un homme. Le violeur est puni par le viol et la castration. Certaines sources font également mention de l'interdiction de la pédérastie. Les textes religieux indiquent aussi qu'il est néfaste pour un homme libre de se faire pénétrer mais pas de pénétrer. Les comportements sexuels entre hommes semblent donc avoir été parfaitement acceptés dans un cadre religieux défini. Il était tout de même attendu qu'on homme se marie et ait des enfants légitimes, qui, soit dit en passant, étaient l'assurance-vieillesse de l'époque. Les rapports sexuels entre femmes ne sont presque jamais cités, la faute en est à la position inférieure de la femme dans la société. Si deux femmes avaient une relation sexuelle, elles restaient des êtres inférieurs et ne perturbaient donc pas l'ordre en place. Quant aux couples de même sexe exclusifs et stables au long-terme, les sources retrouvées n'en font pas référence, bien que ce soit insuffisant pour dire qu'ils n'existaient pas ou qu'ils n'étaient pas tolérés. Il existe cependant un texte d'époque nommé l'Epopée de Gilgamesh, dans lequel deux hommes, Gilgamesh et Enkidu, ont une relation d'amour et d'amitié extrêmement forte sans qu'il soit mentionné s'ils la consomment sexuellement.
Il est possible d'en déduire que la très forte amitié entre hommes était acceptée voire même encouragée.


Concernant l'Egypte, il est très difficile d'y définir la place des rapports homosexuels. Aucun écrit officiel retrouvé et traduit à ce jour n'en fait allusion. La vision égyptienne sur l'harmonie et l'ordre du monde est très semblable à la vision mésopotamienne qui n'encourage pas les rapports sexuels entre hommes libres. Aucune trace n'atteste l'existence de prostitution sacrée et les égyptiens n'ont pas d'équivalent à la déesse Ishtar. Si l'on considère les rares allusions aux comportements homosexuels dans les textes retrouvés, il en ressort qu'il était mal vu d'être le partenaire passif d'une relation entre hommes, de pratiquer la pédérastie, ou que deux femmes aient une relation sexuelle. Il existe quelques histoires tout aussi rares qui semblent mettre en scène des duos d'hommes dont la relation peut être vue comme ambiguë. Cependant, la rareté des sources égyptiennes sur le sujet ne permet pas d'établir clairement la place de l'homosexualité dans l'Egypte antique. « Je suis l'Eternel, votre Dieu. [3] Vous ne ferez point ce qui se fait dans le pays d'Egypte où vous avez habité, et vous ne ferez point ce qui se fait dans le pays de Canaan où je vous mène : vous ne suivrez point leurs usages. [4] Vous pratiquerez mes ordonnances, et vous observerez mes lois : vous les suivrez. Je suis l'Eternel, votre Dieu. [5] Vous observerez mes lois et mes ordonnances : l'homme qui les mettra en pratique vivra par elles. Je suis l'Eternel. »

Lévitique 18.22 : Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination. 
Lévitique 20.13 : Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux. 

À la lumière de ce contexte historique, l'interdiction des pratiques sexuelles entre hommes dans le Lévitique se comprend mieux. Tout d'abord, le fait que ces lois ne s'adressent qu'à des hommes s'inscrit parfaitement dans le climat machiste de l'époque. Ensuite, ces deux versets, ainsi que tous les autres du même livre qui légifèrent sur les comportements sexuels prohibés, visent en premier lieu à interdire tout acte considéré comme une débauche tel que la prostitution sacrée, la prostitution tout court, l'adultère, le viol et l'inceste. Tous ces éléments cités appartiennent à la colonne de droite du tableau, où l'on peut placer Lévitique 18.22 et 20.13.

Il reste encore cette case blanche au point interrogation. Qu'en disent Lévitique 18.22 et 20.13 ?

Rappelons que l'idée de deux personnes de même sexe vivant une relation d'amour érotisée et exclusive est un concept dont nous n'avons aucune trace du temps de la rédaction du Lévitique. De plus, la notion même d'orientation sexuelle n'existe pas dans l'Antiquité 26. Les Anciens n'avaient simplement pas l'idée que le choix du sexe des partenaires sexuels et amoureux puisse être un élément qui participe à l'identité d'une personne. En revanche, le rapport de force dans l'acte sexuel était un critère d'identité qui vous plaçait dans la catégorie des dominés ou des dominants. Ainsi, aux temps de leur rédaction, Lévitique 18.22 et 20.13 ne se prononcent pas sur le concept de l'homosexualité tel que nous le comprenons actuellement, mais sur un type de relation sexuelle entre hommes associé d'une part à la pratique païenne de la prostitution sacrée et d'autre part à une honte sociale pour l'homme dominé.
Ces deux versets ne disent donc rien au sujet de la case blanche du tableau.
Il nous reste encore à déterminer si une interprétation moderne peut trouver un éclairage éthique valable dans notre culture actuelle au sujet de l'homosexualité.

L'acte sexuel entre deux hommes est décrit comme une « abomination », ce que d'aucuns pourraient juger comme une condamnation suffisante 27. Une abomination, dite tow'ebah 28 dans le texte originel, est une chose considérée comme impure, immorale et haïssable aux yeux de Dieu 29. Or, il est impossible de séparer la définition d'une tow'ebah de son milieu culturel. En effet, tow'ebah est citée 122 fois 30 dans le Tanakh et désignent de multiples pratiques telles que l'adultère (Lévitique 18.20, 24), les pratiques païennes (Lévitique 18.30 et Deutéronome 17.2-4), la consommation de lièvre, de porc et de fruits de mer (Deutéronome 14.7, 8, 10), les vêtements unisexes (Deutéronome 22.5), la falsification de poids servant aux mesures (Deutéronome 25.13-16), la vanité et le mensonge (Proverbes 6.16-17) et le prêt avec intérêts (Ezéchiel 18.13), entre autres.

Ainsi, les écritures mettent au même niveau moral une relation sexuelle entre hommes, manger un cocktail de crevettes ou le fait que les hommes et les femmes portent des pantalons. Dès lors, condamner l'acte sexuel entre hommes et par une extension bancale, l'homosexualité elle-même au nom de cette affirmation ne peut pas se faire sans devoir également condamner avec la même verve certaines pratiques actuelles que nous jugeons tout-à-fait normales.

Tout au plus, comme tow'ebah est utilisée à de multiples reprises pour désigner les pratiques idolâtres des nations autour d'Israël, le terme confirme que Lévitique 18.22 et 20.13 ciblent les rapports sexuels entre hommes dans un contexte idolâtre, autrement dit la prostitution sacrée.

D'aucuns argumenteraient encore que la condamnation à mort de Lévitique 20.13 pourrait servir à une condamnation de la pratique homosexuelle, à défaut de l'homosexualité 31. Or, il n'en est rien. La peine de mort est une condamnation très fréquente dans la Torah. Entre autres, elle est la sentence pour l'adultère (Lévitique 20.10), le blasphémateur (Lévitique 24.16), le meurtrier (Lévitique 24.21), l'apostat (Deutéronome 17.2-5), le faux prophète (Deutéronome 18.20), le fils qui se rebelle contre ses parents (Deutéronome 21.18-21) la fille qui n'est pas vierge à son mariage (Deutéronome 22.13-21) ou encore le violeur d'une femme déjà fiancée (Deutéronome 22.25). Ainsi, puisque la Torah contient des condamnations que nous jugeons actuellement comme disproportionnées par rapport aux actes, nous ne pouvons pas simplement reprendre cette condamnation capitale pour justifier que l'acte de départ est condamnable.

Enfin, ces deux versets ne parlent que de pratiques homosexuelles, et plus précisément de pratiques homosexuelles dans un contexte de comportements malsain(t)s. Ils n'évoquent pas ni ne condamnent l'attirance, l'affection et l'amour qui sont des aspects fondamentaux de tout comportement amoureux sain(t), qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel.

En conclusion de ce chapitre, Lévitique 18.22 et 20.13 sont trop ciblés dans leur approche, et trop influencés par leur contexte culturel pour nous permettre d'étendre leur condamnation à l'homosexualité en soi, (ou à toute pratique homosexuelle).

Deutéronome 23.17 ; 1 Rois 14.24/15.12/22.47 ; 2 Rois 23.7 et Job 36.14 : les prostitués

Les passages suivants reprennent toutes les occurrences du terme hébreu qadesh 32 qui signifie « prostitué mâle » 33.

Deutéronome 23.17 : Il n'y aura aucune prostituée parmi les filles d'Israël, et il n'y aura aucun prostitué parmi les fils d'Israël. 
1 Rois 14.24 : Il y eut même des prostitués dans le pays. Ils imitèrent toutes les abominations des nations que l'Eternel avait chassées devant les enfants d'Israël. 
1 Rois 15.12 : [Le roi Asa] ôta du pays les prostitués, et il fit disparaître toutes les idoles que ses pères avaient faites. 
1 Rois 22.47 : [Le roi Josaphat] ôta du pays le reste des prostitués, qui s'y trouvaient encore depuis le temps d'Asa. 
2 Rois 23.7 : [Le roi Josias] abattit les maisons des prostitués qui étaient dans la maison de l'Eternel, et où les femmes tissaient des tentes pour Astarté. 
Job 36.14 : [les impies] perdent la vie dans leur jeunesse, ils meurent comme des débauchés. 

D'après toutes ces références, la prostitution masculine est mal vue et condamnée, principalement à cause de ses liens avec l'idolâtrie 34. Reprécisons qu'il n'est pas nécessaire pour un homme d'être homosexuel pour avoir des relations sexuelles avec d'autres hommes. Il peut être amené à se prostituer suite à une pression par un tiers, à cause de contraintes économiques, pour des raisons religieuses ou par simple appât du gain 35. Dans tous les cas, la prostitution ne fait pas partie des comportements que les chrétiens jugent sain(t)s. Ces versets ne peuvent donc être rapprochés que de la colonne des comportements malsain(t)s. La case blanche au point interrogation reste blanche.

Romains 1.26-27 : une condamnation spirituelle de la part de Paul

Romains 1. 26-27 : C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes : car leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature ; et de même les hommes, abandonnant l'usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement.

Ce passage de la Lettre de Paul aux Romains est le principal argument théologique utilisé contre l'homosexualité, et ce pour trois raisons. Il est le seul passage de la Bible à mentionner les rapports homosexuels masculins et féminins 36. Il décrit ces actes comme étant contre nature. Il fait partie du Nouveau Testament, ce qui lui confère une plus grande autorité aux yeux des chrétiens 37. De prime abord, il est vrai que ce passage ne semble mener qu'à la condamnation de l'homosexualité. Toutefois, il est plus complexe qu'il ne paraît. Il est possible de faire une première observation. Le texte parle de « passions infâmes » et de « choses infâmes ». Elles ne sont pas décrites et les occurrences des termes utilisés dans le texte original ne permettent pas de les définir spécifiquement 38, mais elles ont visiblement trait au domaine sexuel 39. Il est facile de déduire que ces deux versets désapprouvent ce que nous considérons actuellement comme des comportements malsain(t)s.

Quant à son rapport avec la case blanche, à savoir si les comportements sain(t)s homosexuels sont inclus dans cette condamnation, il faut approfondir le texte.
Commençons par examiner la Lettre aux Romains et la place de ce fameux passage. La Lettre aux Romains est adressée aux chrétiens juifs et non-juifs vivant à Rome. Avec cette épître, Paul a pour but de leur faire comprendre que seule la grâce gratuite de Dieu permet d'accéder au salut et non les pratiques de rites, qui pouvaient être vus comme une façon d'acheter la Grâce
40. Dans le premier chapitre de cette lettre, plus précisément entre les versets 18 et 32, Paul décrit sa vision de l'état du monde, séparé de Dieu et donc en besoin de Sa grâce. Il commence par parler de la colère de Dieu contre les hommes (v. 18) car il fut un temps lors duquel l'humanité voyait et savait ce que Dieu approuvait (v. 19-20), mais elle s'est détournée volontairement de son Créateur et a sombré dans l'idolâtrie (v. 21-23). Ce détournement spirituel a conduit à un avilissement des moeurs (v. 24-25), que Paul exemplifie par des rapports « infâmes » entre personnes de même sexe (v. 26-27). Il continue en disant que l'humanité a ensuite volontairement rejeté ce qu'elle savait de Dieu (v. 28), ce qui l'a encore enfoncée dans le vice, à tel point que Paul utilise ensuite une vingtaine d'expressions négatives contre le genre humain (v. 29-31). Et il ajoute encore que l'humanité a poussé le crime jusqu'à approuver les pratiques qui déplaisent à Dieu (v. 32).

Il ressort que ce chapitre n'aborde pas l'homosexualité pour elle-même, mais qu'il utilise un type de rapports sexuels comme un exemple unique et ponctuel au milieu d'autres exemples. Il est alors impossible d'attendre d'une simple évocation la même profondeur de réflexion et la même portée morale qu'aurait eue une étude approfondie et argumentée sur le sujet. Intéressons-nous maintenant au contenu de ces deux versets.

Toute la polémique qu'ils soulèvent repose sur la question de savoir si les rapports sexuels entre personnes de même sexe, et par extension l'homosexualité elle-même, sont selon la nature ou sont « contre nature ». L'expression employée en grec ancien pour « contre nature » est para phusiv. Or, il n'est pas surprenant qu'un érudit comme Paul utilise cette expression car cette critique existe depuis longtemps dans l'Antiquité. En effet, quatre siècles avant Paul, Platon tient des propos similaires dans ses Lois, oeuvre dans laquelle il décrit sa conception de la cité idéale 41.

Le Livre I des Lois affirme que « l'accouplement d'hommes avec des hommes ou de femmes avec des femmes est contre-nature » 42. Le mot employé pour « nature » est le même que dans l'épître aux Romains 43. Au livre VIII, Platon développe son propos. Il souhaite que les jeunes gens de sa cité idéale vivent de la meilleure façon possible, ce qui selon lui implique de se conformer à la nature 44 et d'éviter toute démesure 45, dont la démesure sexuelle. Dans ce domaine, il affirme « il n'est pas correct d'avoir des relations sexuelles avec de jeunes garçons, en prenant pour témoin le comportement des animaux et en montrant que chez les bêtes on ne voit pas le mâle s'accoupler à un autre mâle pour telle fin car cela est contre nature 46 ». Son but est alors faire une loi qui « demande que l'on se conforme à la nature dans les rapports destinés à la procréation des enfants, en s'abstenant d'une part, d'avoir ce genre de rapports avec des mâles 47 ».

Ainsi, Platon commence par fustiger la pratique de la pédérastie et ensuite étend sa critique à l'ensemble des rapports sexuels entre personnes de même sexe, sous la justification que les rapports homosexuels n'existent pas dans la Nature. Un peu plus loin dans le texte, il présente même sa vision de la Nature, selon laquelle les bêtes « vivent, jusqu'à ce qu'elles soient en âge d'engendrer, dans la continence, pures de tout accouplement et chastes, mais qui, une fois qu'elles sont en âge de procréer, s'apparient selon leur goût, mâle à femelle, femelle à mâle, et vivent le reste du temps dans la piété et la justice, restant fermement fidèles à leurs premiers accords d'amitié. 48 » Précisons encore que la critique de Platon à propos du contre nature porte sur l'acte sexuel et non sur la personne homosexuelle 49.

Malheureusement pour Platon, cette conception sur la Nature n'est plus défendable de nos jours. En effet, les comportements sexuels entre animaux de même sexe sont attestés dans de nombreuses espèces. Le singe bonobos, qui est génétiquement parlant le deuxième singe le plus proche de l'homme, en est l'exemple le plus emblématique car cette espèce utilise le sexe comme moyen principal de communication sociale 50. Il y a aussi le mouton domestique, chez lequel les éleveurs constatent des comportements sexuels entre mâles, avec même parfois la formation de couple stable au long-terme 51. Prenons encore pour exemple le couple de pingouins gays Buddy et Pedro du zoo de Toronto 52. En 1999, le biologiste américain Bruce Bagemihl publia le livre Biological Exuberance : Animal Homosexuality and Natural Diversity dans lequel il listait 450 espèces animales où il avait observé des comportements homosexuels 53. Si cette liste s'est allongée depuis, l'homophobie n'est attestée pour l'instant que dans l'espèce humaine. Entre homosexualité et homophobie, d'aucuns pourraient alors se demander laquelle des deux sont vraiment contre nature.

Ainsi, lorsque Paul écrit sa critique, il est important de garder à l'esprit qu'il existe dans son contexte historique l'influence d'autres pensées, telles que celle de Platon, mais il y en a encore deux autres qu'il faut mentionner.

Tout d'abord, il y a la vision de la société romaine, c'est-à-dire la vision de la civilisation dominante de l'époque 54. Les rapports sexuels entre personnes de même sexe sont largement attestés dans les textes latins, de façon positive ou négative, mais toujours dans des contextes précis. Le rapport sexuel est avant tout une manifestation de la hiérarchie sociale et machiste entre individus, dans la mesure où celui qui pénètre est vu comme le dominant et celui qui est pénétré est considéré comme le dominé. L'homme citoyen mâle a l'obligation morale de toujours tenir le rôle dominant, tandis que les femmes, les esclaves, les affranchis et autres partenaires sexuels inférieurs doivent être dans la position du dominé. Tant que cet ordre est respecté et tant qu'il n'approche pas une femme mariée ou un enfant qui deviendra un jour un citoyen, le citoyen romain jouit d'une grande liberté sociale dans le choix de ses partenaires sexuels. En revanche, tout citoyen qui endosse le rôle passif est alors considéré comme un efféminé faible et mou, ce qui, dans l'idéal masculin romain, est vu comme une humiliation.
Aussi, accuser ses adversaires et les personnages importants de préférer le rôle passif était une pratique courante à Rome, comme en attestent certaines épigrammes cinglantes du poète Martial :

Il serait erroné de croire que les Romains étaient tous avides de sexe car l'Antiquité a connu de nombreux courants de philosophie, dont des courants plus tempérants. Par exemple et c'est la deuxième pensée dont je voulais parler le stoïcisme, qui fut l'une philosophie les plus importantes de l'Antiquité 56. Il prônait, entre autres, le refus de tous les excès de façon à atteindre un état de sérénité imperturbable. Parmi ces excès se trouvent évidemment les débordements sexuels. Pour s'en prémunir, les stoïciens en sont venus à promouvoir l'abstinence sexuelle, avec toutefois une tolérance pour les relations sexuelles destinées à la procréation. Dotés d'une telle pensée, les stoïciens ont bien entendu rejeté les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Le stoïcisme est une pensée qui doit être prise en considération car il a exercé une grande influence sur une partie du judaïsme 57 et sur le christianisme 58.

Nous pouvons débattre de l'importance de l'influence de ces pensées sur celle de Paul. Cependant, nous ne devons pas oublier qu'elles font partie de sa formation d'érudit et qu'elles l'ont nécessairement influencé, ne serait-ce que parce qu'il devait leur faire face. De plus, ces mêmes conceptions faisaient également partie des références culturelles des destinataires de la Lettre aux Romains. Ainsi, la critique de Paul sur les rapports sexuels entre personnes de même sexe, basée sur une certaine conception de la Nature, s'inscrit très bien dans son milieu culturel : Tu aimes à te faire embrocher, Papylus, et puis tu pleures : pourquoi, ce que tu veux qu'on te fasse, pleures-tu quand on te l'a fait ? Te repens-tu d'une impudique démangeaison ? Ou n'est-ce pas plutôt, Papylus, le regret qu'on ait fini de t'embrocher ? 55 

Un exemple intéressant qui révèle à quel point le sens de « nature » et « contre nature » dépend de son contexte historique est le verset de 1 Corinthiens 11.14, dont Paul est considéré comme l'auteur 59 La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de porter les cheveux longs.

Le terme employé pour « nature » en grec ancien est le même que dans Romains 1.26-27. L'élément le plus fascinant est que le mot atimia, traduit dans ce verset par « honte », est le même mot employé dans Romains 1.26 traduit par « infâmes ». Autrement dit, Paul met au même niveau moral des relations sexuelles débauchées entre personnes de même sexe et le fait que les hommes portent des cheveux longs. À nos yeux modernes, une telle affirmation relèverait au mieux de la plaisanterie, au pire du fanatisme. Tandis que si nous nous replaçons dans le contexte de Paul, c'est-à-dire le monde méditerranéen du Ier siècle de notre ère, où les critères sociaux enjoignent à ce que les hommes soient masculins sans qu'il y ait confusion des rôles propres à chaque sexe, alors ces deux passages prennent sens.

Que retenir donc de Romains 1.26-27 à propos de la case blanche au point interrogation du tableau ?

Comme ce passage est un exemple, son interprétation et l'étendue de sa portée éthique doivent être pondérées.

Le contexte dans lequel il a été écrit était empreint d'une réprobation morale à l'encontre des relations sexuelles entre personnes de même sexe lorsque ces personnes étaient des personnes libres. Toutefois, comme les critères de jugement de cette société ne sont plus les nôtres, nous ne pouvons reprendre la condamnation morale sans en reprendre les critères. Or, les reprendre signifierait soit les reprendre tous et donc, entre autres horreurs, réintroduire l'esclavage, soit n'en reprendre qu'une partie dont ceux concernant l'homosexualité, ce qui relèverait de la partialité et de l'injustice.

La critique de fond du passage sur la nature des rapports sexuels entre personnes de même sexe ne se démarque pas des conceptions du contexte historique. Elle tient même du lieu commun pour l'époque. Et quand bien même ces conceptions n'auraient eu aucune influence sur Paul, la critique de fond est invalidée par nos connaissances actuelles en biologie.

Certains pourraient alors argumenter qu'il faut comprendre l'expression « contre nature » non pas comme contre la Nature, mais comme contre la nature de l'être humain, c'est-à-dire contre ses caractéristiques fondamentales et essentielles. Une telle interprétation est possible, mais elle comporte un biais de point de vue. Il est tout à fait normal qu'une personne hétérosexuelle ressente l'homosexualité comme contraire à sa nature propre. Et de la même façon, il est normal qu'une personne homosexuelle ait le même ressenti à l'égard de l'hétérosexualité.
Ainsi, si Paul était un homme dont la nature le poussait vers les femmes, sa critique des rapports sexuels entre personnes de même sexe n'est pas surprenante. Toutefois, cette vérité est une vérité personnelle. Elle est aussi une vérité majoritaire, au sens où la majorité de la population est hétérosexuelle, mais cela ne fait pas d'elle une vérité universelle. Enfin, la moindre attente que nous pouvons espérer d'une vérité majoritaire est qu'elle respecte les vérités minoritaires, particulièrement quand ces vérités peuvent coexister sans se piétiner.

Enfin, Romains 1.26-27 ne fait référence qu'à des pratiques sexuelles, qui visiblement tiennent bien plus de la débauche que du rapport sexuel pratiqué entre deux personnes amoureuses et respectueuses l'une envers l'autre. Le passage n'évoque aucun autre aspect de l'homosexualité, tel que l'affection, la complicité, le respect et l'amour, pour ne citer qu'eux.

Ainsi, Romains 1.26-27 évoque la face sombre de l'homosexualité, mais n'en évoque que la face sombre. Sa place est sans équivoque dans la case des comportements malsain(t) homosexuels, et il ne nous fournit aucune indication sur le contenu de la case blanche au point interrogation.

Pour terminer avec un autre aspect du sujet, il serait étonnant d'utiliser Romains 1.26-27 comme argument contre le mariage homosexuel, car si l'on voulait respecter les enseignements de Paul, le mariage hétérosexuel devrait aussi être considéré comme une situation à éviter (1 Corinthiens 1.7 9) 60, ce qui est une idée qui se retrouve dans le stoïcisme : Je voudrais que tous les hommes soient comme moi ; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, l'autre d'une autre. À ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu'il leur est bon de rester comme moi. Mais s'ils manquent de maîtrise d'eux-mêmes qu'ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler.

1 Corinthiens 6.9-10 et 1 Timothée 1.9-10 : deux termes difficiles à traduire.

Ces deux passages proviennent de deux lettres que Paul adresse à des communautés de chrétiens juifs et non-juifs dans le but de les enseigner et de les fortifier. Dans ces extraits, Paul fait deux listes de personnes dont il condamne les comportements. Cette énumération soutenue est alors un style littéraire en vogue chez les auteurs juifs et stoïciens du Ier siècle de notre ère 61.

Au sujet de l'homosexualité, ces listes contiennent justement deux termes qui ont été rapprochés des homosexuels dans le but de les condamner. Le premier terme grec est malakoi traduit ici par « efféminés » (1 Corinthiens 6.9-10) et le deuxième est arsenokoites traduit par « infâmes » (1 Corinthiens 6.9-10 et 1 Timothée 1.9-10). J'étudierai chaque terme séparément.

Malakoi

Selon le dictionnaire grec français Le Grand Bailly, le premier sens de ce mot est « mou, moelleux 62 » et s'applique aux matières. Par extension, il est utilisé péjorativement pour désigner les caractères et peut se traduire par « mou », « sans vigueur », « faible » et surtout « efféminé 63 ». Cette dernière traduction est celle qui est retenue par certains comme désignant les homosexuels 64. En effet, dans l'Antiquité, un homme qui se faisait pénétrer par un autre homme perdait sa masculinité et était vu comme un efféminé, c'est-à-dire indigne du statut de l'homme dominant et relevant du statut inférieur de la femme.

À l'heure actuelle, considérer que tous les homosexuels sont forcément des efféminés tient du stéréotype obsolète. Dans la très grande majorité des cas, l'apparence des homosexuel-le-s ne les distingue en rien des hétérosexuels, preuve en est la surprise que peut provoquer un coming out inattendu. De plus, malakoi a des sens qui ne font pas nécessairement référence à un caractère qu'on pourrait associer à l'homosexualité. Nul besoin d'être homosexuel pour avoir un caractère « sans vigueur », comme l'atteste l'expression populaire à propos du mari dont la femme « porte la culotte ». Et concernant le sens qui pourrait être rapproché de l'homosexualité, malakoi désigne seulement une position dans un acte sexuel, selon une conception d'origine païenne et vieille de deux millénaires.

Arsenokoites

Ce terme est plus complexe à analyser. Le Grand Bailly donne comme définition « homme de moeurs contre nature 65 » et certaines traductions, à l'instar de la Segond 21, le traduisent directement comme « homosexuel 66 ». Evidemment, la situation n'est pas aussi simple qu'elle parait.

Arsenokoites est un mot rare dans la littérature grecque 67. Paul est d'ailleurs l'un des premiers auteurs, si ce n'est pas le premier auteur, à l'employer. La Bible elle-même ne l'utilise que deux fois 68. Trouver son sens n'est donc pas aisé. Visiblement, arsenokoites est un mot composé à partir des termes arren, qui signifie « homme 69 », et koite, qui signifie « couche 70 ». Il semble en plus que Paul, s'il a bien créé ce mot, se soit inspiré de Lévitique 18.22 et 20.13 de la Septante, la version en grec de l'Ancien Testament. Ces deux passages du Lévitique contiennent effectivement arren et koite dans le texte grec 71.

A partir de ces éléments, nous pouvons comprendre qu'arsenokoites désignent les hommes qui couchent avec des hommes. Selon certains théologiens, arsenokoites désigne spécifiquement celui qui pénètre l'autre 72. Est-ce pour autant suffisant pour condamner l'homosexualité ? Le terme est clairement négatif, mais il l'est parce que Paul en tant que pharisien reprend la vision du Lévitique et certains critères sociaux du Ier siècle de notre ère que j'ai analysés précédemment. Ainsi, il serait réducteur de ramener l'homosexualité à sa seule dimension sexuelle, comme il le serait avec l'hétérosexualité. Chacune de ces deux orientations a de multiples autres aspects de type émotionnel, psychologique, amoureux, sexuel ou relevant du quotidien.

Que retenir de 1 Corinthiens 6.9-10 et 1 Timothée 1.9-10 ?

Avant tout, chacun condamne au moins une dizaine de comportements qui se retrouvent aussi bien chez les hétérosexuels que chez les homosexuels, ce qui place ces deux passages dans les deux cases rouges du tableau.

Les termes malakoi et arsenokoites condamnent chacun une position dans un acte sexuel entre hommes, mais sans préciser l'orientation sexuelle des hommes impliqués. Ainsi, c'est tout homme qui a une relation sexuelle malsain(t)e avec un autre homme qui est visé par ces deux versets, peu importe qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel. 1 Corinthiens 6.9-10 : Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n'hériteront le royaume de Dieu. 
1 Timothée 1.9-10 : Nous savons bien que la loi n'est pas faite pour le juste, mais pour les méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs, les irréligieux et les profanes, les parricides, les meurtriers, les débauchés, les infâmes, les voleurs d'hommes, les menteurs, les parjures, et tout ce qui est contraire à la saine doctrine. 

Enfin, ces deux termes ne condamnent qu'un acte sexuel dans un contexte de comportements malsain(t)s et selon des critères qui ont évolué depuis. Dès lors, malakoi et arsenokoites ont un sens trop spécifique pour permettre de généraliser la critique à l'ensemble de l'homosexualité, tout comme il serait absurde de faire la même généralisation à l'égard de l'ensemble de l'hétérosexualité. La case blanche au point interrogation reste donc blanche.

Encore un mot sur la traduction d'arsenokoites. Ce n'est qu'au milieu du 19ème siècle qu'a été créé le terme homosexuel, dans un contexte médical, pour caractériser une pathologie 73. Depuis, son sens a évolué pour désigner maintenant un trait de personnalité qui ne peut plus servir de prétexte à une quelconque discrimination. Ainsi, placer le mot homosexuel dans un texte de l'Antiquité est un anachronisme douteux sur le plan intellectuel, car c'est le placer dans une époque où ni le mot ni le concept même d'orientation sexuelle n'existait. Le pire est de l'associer de façon partiale à un autre terme dont la définition est différente et la connotation négative, car c'est un détournement malhonnête des écritures relevant du catéchisme homophobe.

Synthèse

Au terme de ces interprétations, voici ce que donne le tableau matriciel :

Plusieurs constats peuvent être faits :

  • la Bible ne contient que très peu de références directes à des comportements homosexuels entres hommes et une seule à ceux entres  femmes.

  • les références sont toutes négatives 74.

  • les références sont principalement des allusions et non des analyses détaillées.

  • les références ne parlent que de pratiques sexuelles et en parlent toujours dans un contexte de comportements malsain(t)s.

  • la Bible ne présente aucun cas de relation homosexuelle avec un comportement similaire à un comportement hétérosexuel sain(t) 75.

  • la Bible ne montre aucune personne ni aucun couple qui se déclare homosexuel.

  • le Christ lui-même ne parle jamais d'homosexualité.

De plus, la Bible contient quelques duos dont la relation est ou semble être très forte et très intime, tels que David et Jonathan 76. A propos de ces deux derniers, les textes ne disent jamais leur orientation sexuelle ni s'ils consomment leur relation sexuellement, toutefois leur relation contient quelques ambiguïtés, comme par exemple lorsque David dit dans l'éloge funèbre de Jonathan : « Tu faisais tout mon plaisir ; ton amour pour moi était admirable, au-dessus de l'amour des femmes » (2 Samuel 1.26) 77.

En fin de compte, la situation du tableau ci-dessus n'est pas surprenante. En effet, la Bible ne peut pas parler directement d'homosexualité, ni même d'hétérosexualité, pour la simple raison que du temps de sa rédaction dans l'Antiquité, le concept d'orientation sexuelle n'existait pas 78. En revanche, la Bible mentionne un aspect de l'homosexualité qui existait déjà à l'époque, à savoir les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Cependant, l'approche qu'elle en fait est centrée uniquement sur les relations sexuelles dans un contexte de comportements malsain(t)s. Les autres aspects de l'homosexualité comme l'amour, le respect, la relation ou même la parentalité ne sont jamais abordés.

Ainsi, la Bible ne donne aucun élément qui permette d'attribuer directement une couleur à la case blanche au point interrogation. Nul ne peut affirmer « la Bible est contre l'homosexualité » ou « la Bible est pour l'homosexualité ».

Il est donc laissé à chacun la liberté et la responsabilité d'analyser et d'interpréter les textes bibliques pour trouver les éléments qui permettront d'amener une réponse. Cette réponse demeurera toutefois personnelle, formulée selon ses propres convictions et sa propre réflexion.

Prise de position personnelle

Puisqu'il revient à chacun de trouver une réponse, voici les éléments qui motivent tout à chacun.
L'orientation sexuelle est un trait de personnalité que nous recevons à la naissance et dont nous prenons conscience au fur et à mesure que nous grandissons, le plus souvent à l'adolescence. Nul ne l'a jamais choisie, car elle s'impose à nous, (au même titre que nos goûts).

En tant que chrétiens, que pouvons-nous dire ? Pouvons-nous décemment condamner l'homosexualité, alors que nos textes ne se prononcent pas sur sa nature profonde ?
Pouvons nous raisonnablement condamner des personnes qui cherchent à vivre leur orientation homosexuelle dans le respect et l'amour de Dieu, alors que nous ne condamnons pas les hétérosexuels qui ont le même comportement ?

C'est pourquoi, selon ma réflexion et mes connaissances actuelles, je considère que la case blanche au point interrogation peut être teintée en vert, mais avec une prudence de ne pas être sûr non-plus.

Il faut bien comprendre que dans le livre de Ruth de l'ancien testament, une femme dit à son amie "qu'elle la suivra où elle ira." Ces dires sont plutôt en général envers son propre partenaire amoureux pour la grande majorité de notre temps, où on souhaite sacrifier notre vie pour son amoureux. Il n'est pas exclu qu'on peut imaginer qu'elles avaient des sentiments cachés, où nous ne connaissons pas la suite, ni même de réponse à ceci. A cette époque on n'en parlait même pas, où l'amour de deux mêmes sexes n'existait pas au grand public.

Ainsi, je considère que face à Dieu tel que nous nous sommes conçus, il n'y a pas de différences entre homosexuels et hétérosexuels. Nous sommes tous à égalité et nous nous retrouvons tous sur cette question qui est de découvrir ce qu'est un comportement saint. Autrement dit, découvrir comment nous pouvons rencontrer et honorer notre Créateur par notre comportement et notre attitude, quelle que soit notre orientation sexuelle. Ainsi, même si dans ma nature je parlerai comme la parole de Paul vis-à-vis de ma nature hétérosexuelle ; je ne dois pas me considérer supérieur qu'un homosexuel et je dois l'accepter tel qu'il est dans son orientation. Je peux ne pas être d'accord de la nature d'un homosexuel, mais je ne dois pas être contre son propre être non plus.

Mon frère étant pasteur a eu dit en tant que pensée personnelle et pastorale ; "Je préfère voir deux homos qui s'aiment et qui sont fidèles, que deux hétéros couples qui se détruisent, qui subissent de violence et qui sont infidèles."
Sur ce point je lui rejoins parfaitement sur la situation de l'amour entre deux êtres.

Conclusion

Depuis quelques décennies, le modèle de société européenne se modifie pour intégrer les personnes homosexuelles, non sans résistances parfois violentes. Il est compréhensible que ces changements soient difficiles à appréhender pour une partie de la population qui craint de perdre ses repères. Pourtant, il ne faut pas en avoir peur ! La société européenne a toujours évolué, preuve en est la situation actuelle des Noirs, des Juifs et des femmes. Ces changements ne sont pas la manifestation d'un monde qui court à la décadence. Ils naissent de cet idéal exprimé par le premier article de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
79 »

Ils n'annoncent pas la fin de toute la société, comme certains le craignent, mais la fin d'un type de société qui se sert des différences entre des êtres humains égaux pour les diviser.

Ne craignons pas ces changements ! De même que la libération des Noirs ne s'est pas faite contre les Blancs mais contre les racistes, de même que l'émancipation des Juifs ne s'est pas faite contre les chrétiens mais contre les antisémites, de même que l'émancipation des femmes ne se fait pas contre les hommes mais contre les machistes, l'émancipation des homosexuels ne se fait pas contre les hétérosexuels mais contre les homophobes.

Il est inqualifiable que ces changements de société en faveur des droits, de l'égalité et de la protection des êtres humains se fassent contre certaines églises. Il est encore plus inqualifiable que ces mêmes églises défendent les discriminations des systèmes passés en se servant de versets tels que Romains 12.2a : « ne vous conformez pas au siècle présent ». Comment comprendre ce verset ? Est-ce ne pas se conformer à ceux qui luttent pour les droits des homosexuels ? Est-ce ne pas se conformer à ceux qui luttent contre l'accord de ces droits ?

N'est-ce pas plutôt ne pas se conformer à cette mauvaise habitude qu'à l'humanité de diviser et de séparer les êtres humains pour les hiérarchiser ?

Annonçons alors l'égalité de tous et toutes dans l'amour de Dieu et agissons de façon à ce que l'amour chrétien ne soit plus un amour qui discrimine.

CONCLUSION DE FIN :

Ne prenez pas votre Père Céleste, pour un Dieu homophobe !

Il n'y a point de péchés plus haut que d'autres, sauf renier Christ qui est votre propre condamnation de votre propre être. Et, sachez que le Seigneur tout puissant par son amour aime et sauve tout être qui accepte son Fils Jésus Christ, (à condition d'être vrai et juste dans son coeur). Et, que tout homo puissent se réjouir de la vie à travers la foi. Car, Dieu connaît vos coeurs, seul Lui dans sa justice a le dernier mot pour chacun d'entre nous.


NOTE :

Introduction :
1 Jean 15.12. Sauf exceptions indiquées, tous les versets bibliques cités dans ce travail proviennent de SEGOND,Louis, La Bible, nouvelle édition de Genève 1979, Grézieu-la-Varenne, Association Viens et Vois, 1997.
2 LEROY-FORGEOT, Flora, Histoire juridique de l'homosexualité en Europe, Paris, PUF, 1997, p. 64.
3 DELESSERT, Thierry, VOEGTLI, Michaël, Homosexualités masculines en Suisse, De l'invisibilité aux mobilisations, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p. 47.
4 Pour plus de détails, voir dans les ouvrages de LEROY-FORGEOT, 1997, et DELESSERT, VOEGTLI, 2012.
5 « Mettre fin à la discrimination contre les hommes et les femmes homosexuels », in Bureau régional de l'Organisation Mondiale de la Santé/Europe, publiée le 17 mai 2011.
6 LEROY-FORGEOT, 1997, p. 104.
7 « Le mariage homosexuel en Europe », in Toute l'Europe.eu, publiée le 2 décembre 2013.

Méthodologie :
8 J'ai établi cette liste en me basant sur « Transcript/Translations », in Matthew Vines, date de publication non indiquée.
Et sur RÖMER, Thomas, BONJOUR, Loyse, L'Homosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible, Genève,
Labor et Fides, 2005.
9 Voir dans Annexes.

Genèse 19 et Juges 19 : deux histoires sur le refus d'hospitalité :
10 Pour le paragraphe, voir VINES.
11 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 50.
12 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
13 Voir VINES.
14 Idem.
15 BEDOUELLE, Guy, BRUGUES, Jean-Louis, BECQUART, Philippe, L'Eglise et la sexualité, Paris, Les éditions du Cerf, 2006, p. 200 et RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 56. 16 HIMBAZA, Innocent, SCHENKER, Adrien, EDART, Jean-Baptiste, Clarifications sur l'homosexualité dans la Bible, Paris, Les éditions du Cerf, 2007, p. 26.
17 Voir VINES.
18 Pour plus de détails sur ce paragraphe, voir l'article « Homme et femme » in DESMOND ALEXANDER, Thomas, ROSNER, Brian (dir.), Dictionnaire de théologie biblique, Cléon d'Andran, Excelsis, 2006, pp. 630-645 et RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 56-58.
19 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 55.
20 HURTEAU, Pierre, Homosexualités masculines et religions du monde, Paris, L'Harmattan, 2010, p. 134.
21 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
22 BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006, p. 201.
23 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 40.
24 Ibid., p. 43.
25 Pour les dix paragraphes suivants, voir dans les ouvrages de BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006 et RÖMER, BONJOUR, 2005.
26 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 9.
27 Voir VINES.
28 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
29 BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006, p. 201.
30 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
31 Voir VINES.

Deutéronome 23.17 ; 1 Rois 14.24/15.12/22.47 ; 2 Rois 23.7 et Job 36.14 : les prostitués :
32 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 39.
33 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
34 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 39.
35 « Russian army plagued with sex slavery and male prostitution », in Pravda.ru, publiée le 15 février 2007.

Romains 1.26-27 : une condamnation spirituelle de la part de Paul :
36 Voir VINES.
37 Idem.
38 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
39 HIMBAZA, SCHENKER, EDART, 2007, p. 101.
40 Ibid., p. 85.
41 PLATON, Les Lois/Livres I à VI, trad. par Luc BRISSON et Jean-François PRADEAU, Paris, Garnier
Flammarion, 2006, p. 9.
42 Ibid., p. 85, [636c].
43 PLATON, OEuvres complètes, Tome XI (1ère partie), Les Lois, Livres I-II, txt. ét. et trad. par Edouard DES PLACES, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 38.
44 PLATON, Les Lois, Livres I à VI, 2006, pp. 51-52.
45 PLATON, Les Lois, Livres VII à XII, trad. par Luc BRISSON et Jean-François PRADEAU, Paris, Garnier Flammarion, 2006, p. 88.
46 Ibid., p. 89, [836c].
47 Ibid., p. 94, [838e].
48 Ibid., p. 97, [840e].
49 VEYNE, Paul, Sexe et pouvoir à Rome, Paris, Tallandier, 2005, p. 89.
50 Les homos - des ovnis? », in Specimen, émission du 27 février 2013.
51 Idem.
52 « Deux pingouins « gays » vedettes d'un zoo canadien », in 360, publiée le 6 novembre 2011.
53 « Comportement homosexuel chez les animaux », in Wikipedia, date de publication non-indiquée.
54 Pour plus de détails sur ce paragraphe, voir DUPONT, Florence, « L'homosexualité entre Anciens et Modernes: problèmes d'interprétation », conférence donnée à l'Université de Genève le 5 décembre 2013 ainsi que les ouvrages de BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006, LEROY-FORGEOT, 1997 et VEYNE, 2005.
55 MARTIAL, Epigrammes, Tome I, Livres I-VII, texte établi et traduit par H. J. IZAAC, Les Belles Lettres, Paris, 1969, p. 132 (Livre IV, Epigramme XLVIII).
56 Sur le stoïcisme, voir FERRY, Luc, Apprendre à vivre, Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, Saint-Amand-Montrond, Plon, 2006, pp. 35-69 et HURTEAU, 2010, p. 224.
57 HURTEAU, 2010, pp. 152, 154.
58 RÖMER, BONJOUR, 2005, pp. 105-106, 109 et HIMBAZA, SCHENKER, EDART, 2007, p. 89.
59 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 105.
60 Ibid., p. 109.

1 Corinthiens 6.9-10 et 1 Timothée 1.9-10 : deux termes difficiles à traduire :
61 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 107.
62 BAILLY, Anatole, Le Grand Bailly/Dictionnaire Grec Français, rédigé avec le concours de Emile EGGER, édition revue par Louis SECHAN et Pierre CHANTRAINE, Paris, Hachette, 2000, sous l'article « μαλακος » (p.1222).
63 Ibid., pour les quatre traductions mentionnées.
64 BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006, p. 207.
65 BAILLY, 2000, sous l'article « αρρενοκοιτης » (p. 274).
66 SEGOND, Louis, La Bible, traduction Segond 21, Genève, Société Biblique de Genève, 2007, pp. 747 et 781.
67 Pour plus de détails au sujet de ce paragraphe, voir « Arsenokoites - what is the historical meaning of this rare Greek word? », in Gay Christian 101, date de publication non-indiquée, mise à jour le 23 juin 2013.
68 Voir dans Annexes, pp. 56-61.
69 BAILLY, 2000, sous l'article « αρρην » (p.275).
70 BAILLY, 2000, sous l'article « κοιτη » (p.1112).
71 DOGNIEZ, Cécile, HARL, Marguerite (dir.), La Bible des Septante, Le Pentateuque d'Alexandrie, Paris, Les éditions du Cerf, 2001, pp. 528-529 et 536-537.
72 BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006, p. 207.
73 RÖMER, BONJOUR, 2005, p. 9.

Synthèse :
74 Voir VINES.
75 Idem.
76 Pour plus de détails, voir RÖMER, BONJOUR, 2005, pp. 61-102.
77 HIMBAZA, SCHENKER, EDART, 2007, p. 43.
78 BEDOUELLE, BRUGUES, BECQUART, 2006, p. 201.

Conclusion :
79 « Déclaration universelle des droits de l'homme », in Nations Unies, date de publication non-indiquée.
80 « Conférence de presse « Suicide et homosexualité en Suisse: des chiffres qui interpellent » (21/02/2013) », in Dialogai, publiée le 21 février 2013.

Références pour la théologie :
− BEDOUELLE, Guy, BRUGUES, Jean-Louis, BECQUART, Philippe, L'Eglise et la sexualité, Paris, Les éditions du Cerf, 2006, pp. 11-48 et 199-235.
− DESMOND ALEXANDER, Thomas, ROSNER, Brian (dir.), Dictionnaire de théologie biblique, Cléon d'Andran, Excelsis, 2006, sous les articles « Homme et femme » (pp.
630-645) et « Hospitalité » (pp. 645-648).
− HIMBAZA, Innocent, SCHENKER, Adrien, EDART, Jean-Baptiste, Clarifications sur l'homosexualité dans la Bible, Paris, Les éditions du Cerf, 2007.
− RÖMER, Thomas, BONJOUR, Loyse, L'Homosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible, Genève, Labor et Fides, 2005.

Références pour l'histoire :
− BAILLY, Anatole, Le Grand Bailly/Dictionnaire Grec Français, rédigé avec le concours de Emile EGGER, édition revue par Louis SECHAN et Pierre CHANTRAINE, Paris, Hachette, 2000, sous les articles « αρρενοκοιτης » (p. 274), « αρρην » (p.275), « κοιτη » (p.1112), « μαλακος » (p. 1222), « πορνεια » (p. 1607).
− DELESSERT, Thierry, VOEGTLI, Michaël, Homosexualités masculines en Suisse, De l'invisibilité aux mobilisations, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012.
− HURTEAU, Pierre, Homosexualités masculines et religions du monde, Paris, L'Harmattan, 2010, pp. 133-258.
− LEROY-FORGEOT, Flora, Histoire juridique de l'homosexualité en Europe, Paris, PUF, 1997.
− VEYNE, Paul, Sexe et pouvoir à Rome, Paris, Tallandier, 2005.

Source d'étude théologique complet en PDF, par Eric MOREL. Mise en lumière de son grand talent de recherche, en se disant par lui-même homo libre en Christ. Cet article a pour but de changer les mentalités, où parmi de multitudes de recherches et d'études existantes sur Internet ; je choisi celui-là qui est complet et bien expliqué, (selon moi).


Annexes

Toutes les citations listées ci-dessous ont été répertoriées à partir de ce site :
− enseignemoi,
https://www.enseignemoi.com/

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